C’était comment avant internet ? Avant d’être l’objet de ma lecture, ce roman de Thomas Palpant, avec ce titre, a suscité une réflexion essentielle. Appartenant à la fameuse génération qui a connu l’avant et l’après internet, j’étais bien placé pour me poser cette question et pour faire le bilan de cette explosion technologique qui est venue modifier comme jamais notre façon de vivre. Oui, c’était comment avant au fond ? Plus facile ? Qu’est venu réparer ou améliorer le progrès dans nos vies ces vingt dernières années ?
Tout cela pour dire que ce roman est venu occuper une place de choix dans ma PAL, tant il épouse ma dynamique du moment et la mesure sans concession des bouleversements subis par la société avec l’apparition de tous ces outils sensés nous faciliter la vie. J’en faisais le trublion de la sélection. Ce livre qui se détache des autres par l’angle un peu neuf qu’il nous propose et qui vient mettre un vent de fraîcheur dans un lot de propositions littéraires – bien au-delà du PAI - qui, convenons-en, abordent souvent un peu les mêmes choses, à quelques nuances près !
Hélas, trois fois hélas, ma lecture a vite fait pshiiiit et m’a amené à déchanter. C’était comment avant internet est un roman court, très court, presque une longue nouvelle d’un peu moins de cent pages en version numérique. Au-delà même de sa longueur, je reprocherais à ce roman deux choses : la première, c’est de n’aborder le sujet que de façon extrêmement superficielle, en établissant un comparatif plus ou moins maladroit et essentiellement constitué de clichés en montage alterné, avant et après l’arrivée du smartphone. Cela manque singulièrement de profondeur. Cela manque aussi singulièrement de point de vue au fond, tant l’auteur prend soin de ne pas prendre vraiment parti – ce qui reste un choix respectable, qui laisse de la place au lecteur pour se situer. Cet élément est extrêmement frustrant tant le sujet reste complexe et se prêtait à un développement riche, en plaçant par exemple chacun des outils amenés par les progrès technologiques au centre d’enjeux forts.
Le deuxième argument « contre » reste beaucoup plus littéraire et technique. C’était comment avant internet ? manque selon moi de la structuration inhérente à un bon roman. Un roman bien construit. Les buts et les enjeux des protagonistes ne sont pas forcément assez apparent. Les personnages ne sont pas assez complexes. Et si pour Paul, un des personnages centraux, l’envoi d’une lettre revêt une importance capitale que l’on sent très vite, Thomas Palpant place cet enjeu sous tel sceau du secret (on n’apprend que très tard la nature de cette lettre) qu’il se prive d’en faire un élément fort pour nourrir des rebondissements et du conflit. Du conflit d’ailleurs, il en manque beaucoup au fond pour créer une tension romanesque. Les quelques éléments de conflits abordés sont exploités tout au long du récit de façon assez linéaire (les sacrifices que doit fournir la famille de Paul pour subsister et qui les empêchent de s’ouvrir vraiment à la vie, les rapports conflictuels vécus par Flavie l’ado des années 2020 avec ses parents).
Il n’y a pas de vrais rebondissements, il n’y a pas assez de conflits secondaires pour dynamiser le récit et préserver l’intérêt du lecteur.
Il ressort de tout cela une impression de gâchis assez importante qui vient me faire dire : « crotte, le sujet possédait un tel potentiel et aurait pu donner quelque chose de vraiment si chouette, quel dommage de n’avoir exploité que quelques dixièmes de ses promesses ! », d’autant plus que Thomas Palpant écrit avec un style tout en douceur qui fait la part belle à l’humain – ce qui compte beaucoup pour moi – et que les valeurs dépeintes dans le récit donnent irrésistiblement envie de discuter avec lui sur le sujet, une bière à la main, avant de refaire le monde !
Mais hélas, nous sommes ici dans le cadre d’un prix littéraire et ce que je retiens de ce roman, c’est d’abord la somme d’imperfections qui l’empêche, de mon point de vue, d’être un lauréat crédible.
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