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Obsèques à la carte - Amelia Pacifico


Je viens de terminer ma lecture d'Obsèques à la carte et je dois bien avouer que j'en ressors bien embêté !


Bien embêté, parce que tout d'abord le choix d'Amelia Pacifico est sacrément courageux et cela mérite d'être salué ! Traiter de façon aussi frontale (mais sur une tonalité très douce heureusement) le sujet le plus anxiogène qui soit : celui de la mort, de NOTRE mort à tous, n'était pas sans représenter un certain courage. Bien sûr, la mort fait partie de nombreux romans (ce sera même l'un des thèmes centraux de mon prochain livre !) mais jamais elle n'aura été abordée de façon aussi concrète, pratique, presque crue, dans sa façon de laisser sur l'autre rive les vivants et la manière de rendre hommage à ceux qui sont partis. Fatalement des réminiscences douloureuses concernant la mort de mon père sont remontées en moi. Douloureuses mais pas que... Car le départ d'un proche, lorsque l'on est en paix avec l'histoire partagée avec lui est un ensemble d'émotions : de la peine, de la douleur certes, mais aussi de la paix et de l'amour... Amelia Pacifico décrit très bien ce mélange étrange.


Embêté aussi car je suis convaincu que cette auteure est une très belle personne. J'ai beaucoup apprécié sa manière d'aborder les questions et le sujet de la mort dans la petite interview proposée dans le cadre du Prix. Oui, Amelie, si vous me lisez, vous avez plein de choses à partager et de beaux messages à faire passer. Il y a une lumière qui émane de vous et c'est chouette. Cela fait chaud au cœur !


Maintenant, je suis embêté aussi (et surtout) car cette lecture s'est effectuée dans le cadre d'un prix concernant des œuvres littéraires. Et c'est bien sur ce seul plan que je n'ai pas été convaincu. Ce roman pour moi accumule trop d'erreurs pour être un bon roman, même si le fond est doux et bienveillant et le message, profondément humain.


J'ai eu ainsi du mal avec sa structure et sa technique : des enjeux pas très clairs dans l'exposition (quel est le but de Lila : réussir sa vie professionnelle ? Renouer avec sa mère ? Réparer la mort de son père ? De sa grand-mère ? Donner du sens à sa vie ?...) Très certainement un peu tout ça, mais sans hiérarchie, dans la confusion. De même, je n'ai pas relevé de VRAIS conflits dans le déroulé du récit, ni de nœuds dramatiques forts. Oui, il y a bien le conflit interne concernant le fameux monsieur Citron, mais encore ? Pour beaucoup, les conflits sont un peu trop délayés sur la longueur (les difficultés relationnelles avec sa mère par exemple...) ou alors ces conflits ne sont que des péripéties heureuses ou malheureuses mais pas des situations ou des crises qui vont bousculer les dynamiques du personnage central, qui au fond se développe sur un plan trop linéaire. Les transformations requises pour un personnage entre la première et la dernière page n'ont pas vraiment lieu. Ce sont les autres qui changent autour de Lila et cela la rend plus sereine mais elle, au fond, change très peu. C'est dommage.


Quand je pense "linéarité" (et cela rejoint le manque de conflit), j'aurai tendance à croire qu'à quelques épisodes près (que je ne spoilerai pas), tout se passe trop facilement, sans obstacles, dans l'amour et la bienveillance. Ce n'est pas la clé d'un roman qui s'empare de son lecteur et le maintien en haleine par une tension constante qui lui fait se dire "mais que va-t-il donc bien arriver aux personnages ?". Chaque problème se dénoue de façon limpide, sans douleur, avec une forme d'évidence...


Rajoutez à cela que je suis moyennement convaincu par l'entame (les circonstances qui mènent Lila à entreprendre cette création de services funéraires), ni par la réussite presque miraculeuse de cette activité (j'ai du mal à imaginer des gens bien portants se rendre aussi facilement dans une entreprise pour préparer leurs obsèques). On peut en parler à des proches, écrire un testament. Mais aller payer concrètement quelqu'un pour organiser ses propres obsèques, bien en amont, désolé mais j'ai du mal ! Je ne crois pas que notre société soit prête à cela même si je crois que ce postulat s'appuie sur une expérience concrète. Les humains aujourd'hui, dans notre société, me paraissent extrêmement plus préoccupés par le court terme, la satisfactions de désirs immédiats, "l'avoir", que par "l'être" et la gestion de questions essentielles. Je le regrette profondément. Mais peut-être est-ce-que je me trompe ?


De même que je crois difficilement en la relation fantastique que noue spontanément Lila avec sa clientèle. Bien sûr (au même titre que sa créatrice sans doute) cette Lila est un être lumineux qui suscite l'empathie et la confiance. Mais là encore, tout est presque parfait, trop vite, trop souvent !


Et je soulignerai enfin que les personnages masculins me semblent beaucoup trop lisses et m'ont paru constituer davantage des faire-valoir que des protagonistes venant servir concrètement le récit, même si ce point reste largement secondaire.


Voici donc ainsi la somme de mes embêtements, avec en résumé une thématique forte, originale, courageuse et très bien documentée, une auteure qui suscite naturellement beaucoup de sympathie, un personnage attachant et un style doux, humain et sensible...


... Mais beaucoup trop de faiblesses techniques et structurelles selon moi pour justifier d'une œuvre littéraire vraiment aboutie ! Désolé ! :-(

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