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La cave aux poupées - Magali Collet

Dernière mise à jour : 26 oct. 2021


La cave aux poupées est un roman d’une extraordinaire efficacité qui sait provoquer de façon évidente les émotions sans doute recherchées par l’auteure, Magali Collet : en premier lieu le dégoût et la peur, accompagnées d’une sensation d’étouffement face à laquelle nos récents confinements paraissent bien doux.


Ce quasi-huis-clos se présente sous la forme d’une chronique qui fait presque penser à un journal intime. Manon, une jeune femme rustre y décrit dans toute sa crudité l’horreur d’un quotidien dont elle ne peut se souscrire et qui la voit être la complice de son père pédophile et violent qui séquestre des jeunes filles à peine pubères pour satisfaire ses plus bas instincts. Concept glauquissime et dérangeant développé dans un format court et qui se lit très vite, avec fatalement une question qui anime le lecteur : comment Manon va-t-elle pouvoir sortir de cette nasse épouvantable, et dans quel état ?


Pour être tout à fait honnête, je ne suis pas vraiment certain de conserver un souvenir impérissable de ce roman.


Encore une fois, sa lecture reste très facile et agréable (enfin… lorsque l’on veut bien titiller ses pulsions les plus sombres par procuration !). Mais La cave aux poupées manque selon moi de complexité et de densité, alors que le sujet, vraiment original, pouvait s’y prêter. Cela pouvait même constituer un excellent terreau pour développer un récit d’une très grande richesse tant l’intensité de ce qui se joue dans les ressorts psychologiques pouvait prêter à des développements passionnants.


Car il serait malhonnête de ne pas souligner la description sommes toutes assez fine des liens complexes et ambigus qui lient Camille, l’une de ces jeunes captives qui vit l’horreur absolue de cette séquestration, et Manon tortionnaire en second, victime qui s’ignore presque. Les pulsions de soumission, de loyauté, de résilience qui s’agitent presque constamment avec force d’allers-retours sont dépeintes avec finalement pas mal de justesse et d’impressionnisme, par toutes petites touches répétées. C’est selon moi, au-delà de l’intrigue et de sa résolution un des gros points forts du texte.


Reste néanmoins l’écueil du postulat fait par Magali Collet : faire parler son personnage à la première personne !


Si ce choix concourt grandement à l’efficacité du récit et à sa capacité immersive, il empêche fatalement la dépose d’un style plus flamboyant à même de transporter le lecteur dans un vrai plaisir littéraire. L’inculture et l’illettrisme crasse de Manon laisse parler un bon sens populaire et des émotions primitives et vraies. Elles noient également le lecteur dans une médiocrité formelle qui peut être lassante et répétitive à la longue. A noter d’ailleurs que j’ai parfois été surpris par une expression un peu plus écrite et surtout plus juste au niveau de la langue, avec l’usage du passé simple en lieu et place d’un imparfait assez systématique, venant rompre avec la cohérence de ce choix initial piégeux.


Reste aussi la simplicité déroutante du vrai méchant du roman : ce père horrible, violent, amoral et pervers… mais plus encore ce serial « monteur » d’une caricature rare. Celui-ci se résume à une tonne de masculinité bestiale d’une binarité sans faille : soit donc il « monte » les filles, soit il les cogne ! J’ai alors en mémoire les principes d’écriture qui me disent que même un « bon » méchant doit savoir appeler une part de nous-même. Avec ce père que je ne souhaiterais même pas à mon pire ennemi, je ne peux me voir en rien (heureusement au fond !)… Qu’aurait donné l’exploration de ses moteurs, de son histoire, de ses propres souffrances ? Eclairer la monstruosité absolue de cet homme aurait fait de cette Cave aux poupées une œuvre encore plus riche et d’une profondeur salutaire.


En l’état, elle ne reste qu’un texte distrayant et dérangeant, qu’une résolution un peu trop facile sous la forme d’un épilogue rapide et abrupt vient interrompre avec les promesses qu’il aurait pu porter.


Dommage, d’autant plus que l’on ressent chez Magali Collet une vraie identité ! On se donne rendez-vous au prochain ? 😉

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