top of page
Rechercher

La couverture idéale existe-t-elle ?

Dernière mise à jour : 23 juil. 2021




Il parait que la moitié de la population française écrit ou souhaite écrire. Et largement plus de 100 000 livres sortent chaque année depuis le boom de l'autoédition pour un volume de soixante-deux millions d'œuvres littéraires achetées en 2019. A le lecture de ces chiffres, on se dit facilement qu'il est peut-être plus facile de traverser la forêt amazonienne en claquettes que de sortir du lot face à cette concurrence féroce.


Il faut donc se donner tous les moyens d'exister aux yeux des potentiels lecteurs dans les librairies !


Il faut savoir que l'acte d'achat en librairie (ou en supermarché, restons œcuménique) pour un lecteur qui déambule à la recherche d'une nouvelle pépite se décide le plus souvent sur une impulsion de quelques secondes, au croisement d'un titre et d'un texte de quatrième de couverture. Mais bien avant les deux autres points, c'est la couverture elle-même qui va accrocher le regard, distinguer votre livre d'un autre livre. Bref elle risque de faire une immense partie du boulot !


Il faut donc lui apporter une attention considérable !





Certains romans ont réussi le tour de force de rendre leur couverture aussi célèbre que le texte qu'elle abrite. Un exemple me vient en particulier, celui du titre qui a lancé la carrière de Frédéric Beigbeder 99 francs ! Pour ceux qui ne l'ont pas lu (ou vu), 99 francs raconte l'histoire d'un publicitaire cynique qui rencontre une crise existentielle et remet en cause sa place dans le grand cirque de la société de consommation. De la pub, de l'argent, de la consommation : la couverture résume cela dans son expression la plus absolue : une étiquette de prix ce qu'il y a de plus banal mais grand format (99 francs, donc) sur un fond immaculé que vient à peine noircir le nom de l'auteur. Efficacité redoutable pour une couverture qui est venue marquer les esprits.


Pour cet exemple de réussite, combien d'autres couvertures passées inaperçues ou tombées dans l'oubli accompagnant parfois leur texte ?


Puisque l'on parle de livres dont on oublie la couverture, alors autant citer l'exemple des grandes collections (Gallimard, Grasset...) qui elles ont totalement abandonné l'idée de réaliser des couvertures travaillées pour leurs collections de prestige. On connait le principe que l'on retrouve à chaque remise de prix littéraires (ou presque) : c'est souvent un roman avec une couverture unie (très) sobrement décorée d'un titre et d'un nom d'auteur qui l'emporte à la fin, comme l'Anomalie d'Hervé le Tellier, le Goncourt 2020. Pourquoi cette sobriété spartiate comme celle par exemple de la fameuse "collection blanche" de Gallimard ? (qui de mon point de vue est plutôt crème)



Cela part en fait d'une très haute estime de la Littérature (avec un grand L) pour ces éditeurs. Des éditeurs qui trouvent que l'essentiel dans un roman reste le texte et rien que le texte et qu'aucun artifice ne doit venir réduire la portée absolue de ces Saint-Graals de l'écriture ! Parce que même les éditeurs sont des êtres pétris de contradictions, les maisons lauréates concèdent tout de même à faire porter à leurs poulains le bandeau rouge des vainqueurs : ça pète comme il faut, (voire ça "se la pète"), ça se remarque donc de loin mais quand même, question graphisme, ce n'est pas du Bansky !


Peu d'auteurs hélas (ou pas) peuvent se targuer d'écrire un Goncourt. Alors pour tous les autres, pour quelle couverture opter ?


Alors le premier conseil que j'aurai envie de vous donner, c'est de coller aux codes du genre de votre roman. Cela parait évident, mais je vous assure que dans le cadre de mes expériences de jury littéraire j'ai été aux prises avec de sacrés ovnis en la matière. Et la plupart du temps, cela reste un défaut rédhibitoire. Deux exemples parlants : si vous avez écrit le thriller que tout le monde attend "Massacre au coton-tige" (qui raconte l'histoire inoubliable d'un psychopathe traumatisés par les tests covid qui assassine ses victimes en transperçant leur cerveau via la narine avec des cotons-tiges géants) mais que votre couverture représente un couple d'amoureux main dans la main en train de marcher sur un sable d'une couleur trop pastel pour être honnête, je préfère vous le dire tout de suite, cela risque de ne pas matcher. Idem si vous optez pour une couverture noire avec une tête de chien décapité pour illustrer votre sirupeuse romance Le vaccin de l'amour. (désolé, mais j'écris cet article en plein débat sur le pass sanitaire !).


Une bonne couverture, c'est d'abord une couverture qui ne perd pas son public. Si vous écrivez du polar, du noir ou du thriller, alors optez pour un code couleur noir ou rouge (la mort et le sang). Une nouvelle tendance invite aussi à l'alliance du jaune et du noir pour symboliser les bandes qui délimitent les scènes de crime aux USA. Pour le feel-good, privilégiez les couleurs gaies et les illustrations naïves, et pour la romance, des silhouettes de beaux gosses, de bombasses ou, soyons fous, d'un couple constitué d'une bombasse et d'un beau gosse, le mieux étant encore de les placer devant un coucher de soleil (bon, là on va commencer à comprendre que la romance n'est pas mon genre de prédilection !) L'essentiel est que vous compreniez bien l'idée. Avant de concevoir la vôtre, allez donc flâner en librairie pour bien vous imprégner de ce qui se fait dans la catégorie dans laquelle vous souhaitez vous inscrire.


Une illustration doit en effet venir rassurer son public qui ne doit pas avoir de doute au moment de s'emparer de votre roman. C'est un contrat : "Tu veux lire du thriller ? Avec mon roman, tu vas lire du thriller, tu ne peux pas te tromper !". Un roman coûte hélas bien trop cher pour qu'une majorité de lecteurs prenne le risque d'une mauvaise pioche en optant pour des livres dont les signaux visuels manquent de clarté.


Alors que l'étranger opte souvent pour des couvertures très travaillées, il semble par ailleurs

que le public français soit majoritairement réfractaire aux illustrations trop riches. Le meilleur exemple que j'ai me concerne directement puisqu'il s'agit de mon second roman Les trois vies de l'homme qui n'existait pas. Pour sa couverture, j'avais voulu faire appel à une artiste de ma connaissance, Cécilia Paraire, qui, entre autres qualités, a véritablement de l'or au bout de ses crayons. Le résultat est allé au-delà de mes espérances puisque Cécilia a réalisé une véritable œuvre-d'art réussissant le tour de force de concentrer toute l'histoire (à un élément près) dans une seul dessin. J'adore l'idée qu'après avoir refermé le livre, le lecteur puisse réaliser que "tout était marqué dessus". Hélas, les différents interlocuteurs des grosses maisons avec lesquelles j'étais rentré en contact (et d'autres intervenants du milieu de l'édition) m'ont confirmé presque unanimement que cette couverture pourtant sublime venait desservir mon livre car trop complexe et trop travaillée... L'antithèse de la collection blanche de Gallimard, quoi ! (toutes proportions gardées évidemment)


Nous progressons donc : une bonne couverture doit préserver une charte graphique identifiable et une illustration au message simple. Mais encore ?


L'illustration d'une couverture ne doit pas par ailleurs occulter une autre composante essentielle du message : le titre ! Une couverture c'est d'ailleurs principalement l'alliance d'un titre et une image. Si l'image bouffe le titre, c'est que le mariage ne sera pas heureux. Il y a quelque chose d'un équilibre subtil, d'un "ni trop", ni "pas assez" permanent dans l'élaboration d'une bonne couverture. Mais si je peux entendre la discrétion d'un nom d'auteur (j'avoue que la trop grande mise en avant de l'auteur au détriment du titre m'horripile car cela fait d'un roman un produit plutôt qu'une œuvre littéraire), un titre généralement, ne doit pas être discret. Il doit au contraire s'imposer. S'imposer, mais pas prendre toute la place sauf en cas de concept minimaliste comme la première édition de

mon premier roman (Re)vivre, comme vous pouvez le voir ci-contre !


Reste-t-il donc pour autant de la place pour une vraie illustration sur une bonne couverture ?


Oui, 100% oui et c'est en soi une bonne nouvelle. Il reste de l'espace pour dépasser un formatage trop imposant. Que l'on opte pour l'aspect tapisserie psychédélique des éditions Zulma ou pour le style à la mode des ombres chinoises (La tresse de Laetitia Colombani, et pas mal de roman de Guillaume Musso...) ou bien les compositions parfois proches d'une ambiance scrapbooking des premiers romans de Michel Bussi, chacun est heureusement libre d'inventer sa propre identité graphique. Le maître-mot étant, même dans une approche plus abstraite ou au contraire, figurative, de rester lisible et cohérent pour les lecteurs.


Qu'en pensent les spécialistes ?


J'ai posé la question à deux blogueuses très actives sur les réseaux. L'avis de Marie, une passionnée qui chronique un grand nombre de romans sur son compte Instagram Marie67310 est simple, concis, presque instinctif : "La couverture idéale reste une couverture colorée et originale". L'une de ses camarades, qui se cache derrière le doux nom d'Isabelle, de @laplumedemasquee, excellent site consacré encore une fois aux critiques littéraires va plus loin et donne des exemples : "Une couverture idéale, selon moi, et c'est très personnel, très subjectif, c'est soit une belle photo, soit l'œuvre d'un graphiste qui claque. J'ai en tête les couvertures de "Zulma" (décidemment un bon exemple NDLR), qui accrochent le lecteur, des éditions "Globe", colorées, vraiment magnifiques, ou bien celles de "La peuplade" ou encore "Les forges de Vulcain" qui transcendent l'œuvre en donnant envie de la lire sans spoiler le contenu. Pour les photos, j'ai en tête les éditions de "L'antilope", "Le nouvel Attila" ou bien "Finitude" pour les mêmes raisons. Une couverture qui me ferait fuir par contre serait un design vieillot, très années 70/80 qui donnerait l'impression d'avoir à faire à un film de série B (bon, à un livre du coup !)"


Un certain consensus semble donc se dégager sur de la couleur, de l'audace et de la personnalité. Mais comme on le souligne dans "La plume démasquée", tout cela reste une affaire très subjective, où l'unanimité n'a que peu de place. Et oui, on ne peut pas plaire à tout le monde, et c'est au fond tant mieux. C'est la garantie d'une offre diversifiée et riche, où chaque lecteur pourra se retrouver. La couverture idéale n'existe donc probablement pas. Il reste néanmoins quelques règles ou du moins quelques caps évidents à tenir, qui semblent faire l'unanimité, ou en tous cas qui semblent coller à l'attente du plus grand nombre :


- La reprise des codes qui appartiennent au genre littéraire dans lequel on se range.

- La mise en valeur d'un titre (le mieux étant évidemment que celui-ci soit percutant et efficace, mais nous y reviendrons !)

- Une illustration attractive, éventuellement originale et source d'une identité forte, mais qui sait se fixer des limites graphiques pour ne pas perdre le potentiel lecteur dans trop de directions.


Si vous remplissez l'ensemble de ces objectifs au moment de concevoir votre couverture, alors il est fort probable que celle-ci saura vous aider à attirer de nouveaux lecteurs. Pour tous les autres, pas de panique : il vous reste heureusement le texte !


Et vous, qu'en pensez-vous ? N'hésitez pas à donner votre avis en commentaire !






4 vues0 commentaire

Comments


bottom of page