S’il y a bien dans l’écriture un domaine dans lequel la réponse est toute personnelle, c’est bien celui de l’inspiration. Certains la trouvent dans le calme absolu, d’autres dans des cafés bruyants, avec ou sans musique… Bref, les cadres inspirants sont divers et très variés. J’oserais même dire qu’ils offrent un infini de possibles !
Oui, l’inspiration peut se rencontrer partout. Absolument partout. J’ai coutume de dire, car je l’éprouve au quotidien et que je sais que c’est une expérience partagée par nombre de mes collègues, que l’inspiration est comme une pompe d’extraction d’eau. Le plus dur est de l’amorcer. Une fois que c’est le cas, si on ne baisse pas les bras et qu’on continue à exploiter la source, alors, celle-ci parait infinie !
Maintenant la question est de savoir vraiment OÙ puiser ?
Ma réponse est simple : partout ! Encore absolument partout. (j’ai comme l’impression de me répéter !) Pourtant tout cela est vrai. On me dit souvent « mais comment Laurent as-tu eu cette idée ? » ou « qu’est-ce que j’aimerais avoir ton imagination ! ».
Mais le premier talent d’un écrivain n’est pas son imagination, c’est d'abord peut-être son regard !
La vie nous offre des centaines de situations tous les jours qui pourraient servir de supports à une histoire. Le type de la voiture d'à côté qui s’engueule au téléphone dans un bouchon, l’auto-stoppeur qui lève son pouce sans que personne ne le remarque, la grand-mère qui s’achète des culottes dans le supermarché, le bonhomme qui se fait tirer comme pour du ski nautique par la laisse de son molosse dans la rue…
Être écrivain, c’est tout d’abord photographier les instants. Certains faits banals (la plupart même) peuvent être totalement transcendés à peu de frais ! Il suffit juste de prononcer une phrase magique qui commencerait par « qu’est-ce qui se passerait si… »
Elle est là la recette. La seule question qui vaille ou presque ! Pour mon second roman, Les trois vies de l’homme qui n’existait pas, c’est ma fille qui a eu un jour l’interrogation fatale alors que je souhaitais déjà travailler sur un personnage avec de multiples vies : « Dis-moi papa, qu’est ce qui se passe si on ne déclare pas son enfant à la mairie, il n’existe pas ? ». Elle venait sans le savoir de m'offrir le chaînon manquant de mon histoire. Mais j'aurais pu passer à côté en portant une attention relative à ses propos. Il faut donc savoir faire un arrêt sur image lorsque la bonne question est posée. Et surtout proposer un maximum d’obstacles à son personnage pour transformer une idée de départ en bon sujet de roman.
Un exemple avec une idée de départ, disons « pas vraiment transcendante » :
1 Qu’est-ce qui se passe si un type gagne le gros lot du Loto ? (je vous avais dit, l’idée de départ n’est pas vraiment gégène ! Que peut-on proposer pour corser la situation ?)
2. Qu’est-ce qui se passe si un type a gagné le gros lot du Loto mais qu’il n’a plus le ticket ? (C’est déjà mieux mais ce n’est pas encore digne d’un best-seller ! Continuons !)
3 Qu’est-ce qui se passe si un type a gagné le gros lot du Loto mais qu’il n’a plus le ticket et qu’il croit que c’est sa femme, qui vient de le plaquer, qui est partie avec ? (Je ne sais pas vous, mais là je commence à sentir un truc. Cela-dit on peut faire mieux !)
4. Qu’est-ce qui se passe si un type a gagné le gros lot du Loto mais qu’il n’a plus le ticket et qu’il croit que c’est sa femme, qui vient de le plaquer, qui est partie avec sans laisser d’adresse ? (On n’est peut-être plus très loin d’un bon sujet. Il suffit juste de peaufiner !).
5. Qu’est-ce qui se passe si un type a gagné le gros lot du Loto mais qu’il n’a plus le ticket et qu’il croit que c’est sa femme, qui vient de le plaquer, qui est partie avec sans laisser d’adresse ? Et que ce type part la rechercher à l’autre bout du monde alors que le ticket s’était juste glissé sous sa table de nuit ?
En cinq étapes, nous sommes passés d'une idée bof-bof à une idée inspirante. Parce que l’on peut imaginer que dans sa méprise et le périple qui va avec, l’homme va faire son auto-critique et réaliser que sa femme ne l’a peut-être pas quitté par hasard. D’une quête d’un ticket de Loto gagnant, on se dirige alors vers une quête amoureuse, une quête de sens pour un type qui a tout du looser (un gagnant du Loto qui perd son billet quand même !), mais qui va apprendre à se découvrir et à se transformer, sans compter que son voyage risque de le confronter à de nombreuses mésaventures (sans même parler du twist final !)
Je sais que cette idée n'est certainement pas l'idée du siècle (ceci-dit, si l'un de vous tente de l'exploiter, qu'il prévienne d'abord son avocat ! :-) ) Mais elle est là surtout pour vous détailler la démarche. A vous de l'entreprendre avec les centaines d'idées que vous pourrez avoir à présent. Ceci-dit, ce n'est pas le seul mode opératoire provocateur d'inspiration. Pour (Re)vivre, je me suis juste laissé guider par l'envie d'inventer ce qui pouvait séparer mon image de départ (le drame d'un effroyable accident de voiture) de mon image de fin (le personnage, survivant de l'accident, qui sourit)...
Le monde est si vaste et si complexe qu'il recèle de sujets intéressants à développer de façon romanesque ou cinématographique. Ce serait bête de s'en priver ! Attention cependant : avoir une bonne idée n'est pas gage d'avoir une bon roman.
Mais ça, c'est encore une autre histoire !
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