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Pourquoi écrit-on ?




La France peut s'enorgueillir de compter encore plus d'auteurs que de fromages ! Quoi de surprenant au fond qu'au pays d'Hugo et de Camus on puisse se targuer de la croissance exponentielle du nombre de ses écrivains !


Devant la recrudescence des actes d'écriture, il semblait légitime de s'interroger sur ce qui venait jouer le rôle moteur de cette démarche artistique. De se poser en d'autres termes la questions "pourquoi les auteurs écrivent-ils ?". Pour y répondre, je suis allé interroger plus d'une trentaine d'auteurs, représentatifs du "paysage français" de l'écriture dans toute sa diversité, qui mène de l'amateur de mots qui publie son recueil au "grands" de l'édition contemporaine, en passant par les écrivains plus à l'ombre, qui publient dans les petites maisons d'édition. Un moyen de se faire une idée plus précise de la petite flamme initiale qui se cache derrière chaque œuvre.


Ce qui frappe au premier coup d'œil lorsque l'on évoque ces témoignages, c'est environ deux-tiers des témoignages, c'est qu'environ deux-tiers d'entre eux intègrent l'activité d'écriture dans une fibre artistique plus large qui les voit ou les a vus s'adonner à d'autres pratiques, qu'elles soient musicales, picturales ou plastiques. Ainsi, Christian Guillerme, auteur de thriller chez Taurnada (Urbex Sed Lex) a longtemps été bassiste dans des groupes de Metal. "Je pratique la musique depuis une trentaine d’années et je compose. J’adore également dessiner et pratiquer la vidéo, je réalise moi-même la plupart de mes trailers. J’ai créé également la couverture de mon premier roman." Un peu plus calme, l'auteure de Éphéméride d'un jeu à la loyal (éditions du Venasque), Marie Gana, continue d'être une véritable touche-à-tout (elle a été décoratrice, réalisatrice et fait de la photographie et de la peinture). Sa définition de l'art est d'ailleurs bien plus vaste encore. "L'art est une forme de communication que tout le monde utilise, c'est la fameuse histoire de monsieur Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir." Même si l'histoire de chaque auteur est unique, une belle majorité a donc trempé dans un bain créatif, la fameuse potion magique, depuis tout petit, ou à défaut, assez jeune. Et encore, ceux qui ne prétendent pas posséder de fibre artistique dans son sens large, telle Claudine Candat, auteure de trois romans dont le dernier, Poussière de sable, l’épopée euskalienne (Rroyzz éditions-2018), n'ont jamais été vraiment éloignés d'autres disciplines, qu'ils ont côtoyées au plus près. "Je n’aurais pu devenir peintre ni sculptrice car j’aurais été écrasée par la puissance créatrice de mon père. J’ai cependant grandi dans un milieu empli de créations fantastiques issues de son imagination débordante"...


Le choix de l'écriture... ou l'écriture qui nous choisit ?


Une cheminement individuel ou « au pire » une proximité avec le domaine artistique... Un voile plus ou moins épais de déterminisme semble donc entourer les écrivains. Mais qu'est ce qui est venu opérer la bascule qui les a menés au premier roman ? Dans ce domaine, les réponses restent plus variées. A vrai dire, les vocations s'y embrassent entre les épreuves, les rencontres, les opportunités et les besoins parfois intimes... Si certains comme Matthieu Parcaroli, auteur du Cri des corbeaux (Lattès-Le masque – 2019), ou Valérie Simon, auteure de romans jeunesse, notamment pour les éditions Lelyrion, se sont « découverts » à l'occasion d'un concours littéraire, d'autres, comme Christelle Balaine (La peine avec sursis, éditions du Venasque) ont rencontré cette révélation à l'occasion d'un moment douloureux de leur vie. "Il a fallu cheminer et passer par la maladie du cancer pour me rendre compte qu'écrire était une évidence." « Évidence », le mot est lâché et se croise par ailleurs dans nombre de témoignages. Comme si quelque part, le choix n'était pas admis, ce qui vient finalement renforcer l'idée de quelque chose d'assez inéluctable. "Je n’ai pas choisi ce

moyen d’expression, il est venu à moi. L’écriture n’a de limite que mon imagination" confie ainsi Florence Tholozan (photo - La chinoise du tableau – M+ éditions), rejointe entre autre par Mélanie Lemaire (Les brumes du destin, Librinova 2020) "Alors que le crayon courait sur les pages de mon cahier, j’ai compris à quel point j’aimais écrire et inventer. Je n’ai plus arrêté depuis et c’est devenu plus qu’une passion. J’ai besoin d’écrire pour me sentir bien." Beaucoup d'ailleurs intègrent l'écriture dans une démarche essentielle, vitale, aussi primaire que l'acte de se nourrir ou de boire. Une hygiène de vie que résume à merveille Jean Cazalis, auteur de Noir blousons aux éditions des falaises (2019) : "J’ai toujours un carnet et un stylo sur moi. Je prends des notes partout. En famille, au café, le soir au lit. D’une certaine manière, même si je ne suis pas directement dans la rédaction d’une histoire, on peut dire que j’écris tout le temps. C’est un besoin. C’est envahissant. Obsédant." L'écriture peut aussi s'imposer aussi comme la suite logique d'un combat plus intime, comme pour Fanny Embleg. "Mon premier livre paru en octobre 2019 est une autobiographie Le sexe des anges ou une femme dans un corps d’homme. L’écrit me semblait le meilleur moyen d'en parler travers mon vécu. La défense des transgenres est devenu le combat, bien pacifique, du reste de ma vie." Ou lorsque l'écriture vient servir une construction de soi.


Parfois enfin, le passage définitif à l'écrit ressort d'un accident, d'un coup du hasard, d'une opportunité heureuse, de celles que l'on ne peut décemment pas refuser. Cyril Massarotto (photo) fait désormais partie du gotha du monde du livre, avec des succès comme Dieu est un pote à moi ou Les dédicaces, tous édités chez XO, puis Flammarion. Peu de gens savent que ses premières aspirations étaient pourtant d'ordre musical. "Depuis très tôt, j'avais un besoin conscient de m'exprimer artistiquement. J'avais essayé de me professionnaliser dans la musique, mais c'est le monde littéraire qui m'a accepté !" Réussir dans l'écriture c'est donc savoir rester pragmatique !


Un désir fort : être lu !


Le besoin, le désir et l'opportunité d'écrire révélés, reste pour une immense majorité un engagement presque désintéressé, entièrement dédié à la rencontre et au partage avec les lecteurs. Si certains concèdent qu'ils réduiraient sans doute l'engagement mis dans la promotion de leurs ouvrages si celui-ci s'avérait moins rentable financièrement (n'oublions pas qu'un « petit » auteur, ou un auteur édité dans une petite ME porte à sa charge une immense partie, si ce n'est toute, de la très chronophage communication), l'unanimité ne rattache pas l'écriture à une forme de professionnalisation. L'important reste d'être lu. Elisa Dalmasso, auteure de plusieurs ouvrages aux éditions Jacques Flament confie ainsi à propos de ce besoin de lecteurs ce qui est partagé par beaucoup : "C’est important et, en même temps, un peu effrayant. On livre beaucoup de soi. Même si l’on se cache derrière des personnages de fiction. Le premier matériau de l’écrivain, c’est d’abord lui-même. On se met à nu, d’une certaine façon. Il y a, dans l’écriture, une forme d’exhibitionnisme. Et il faut accepter ce regard des autres posé sur nous. Les avis des lecteurs sont essentiels." Elle est rejointe notamment par Martine Sonnefraud-Dobral qui a développé une œuvre de littérature fantastique assez conséquente pour Évidence Edition, "Écrire est très jubilatoire, mais reste un plaisir solitaire. Faire voyager les gens dans mon imaginaire et les faire adhérer à mon univers est totalement gratifiant et me remplit de joie pure." Lysiane Réginensi-Rolland, à la tête d'une bibliographie de treize livres, donne aussi une très belle définition de ce lien invisible, mais vital, qui unit l'auteur au lecteur, qui la rend "plus vivante, heureuse d’avoir donné quelque chose au-delà des possibilités habituelles, des relations possibles..." La réussite et la notoriété modifient seules un peu la donne pour Cyril Massarotto qui avoue qu'il est certain qu'il n'aurait "pas écrit 10 romans s'il n'avait pas été édité. Les échecs fatiguent. Je me serai découragé. J'aurai peut-être laissé l'écriture de côté, c'est impossible à dire..."


Ce tour petit d'horizon reste finalement réconfortant dans ce monde qui continue encore à tousser. Il vient parler d'une force créatrice, visible ou invisible, mais en tous cas bien réelle et portée par une armée pacifique, incarnée par des profils aussi divers que complémentaires. Cette envie de raconter, partager, faire vibrer, réfléchir, divertir, c'est autant d'oxygène dans nos cerveaux si souvent mis à mal dans nos vies quotidiennes. Alors que peut-on se conseiller de mieux pour conclure que de continuer à respirer plus fort :


Lisons !

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